DEPUIS L’ACCESSION DE XI JINPING A LA TETE DU PARTI, LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME A EMPIRE

Depuis l’accession de Xi Jinping à la tête du Parti, la situation a empiré au regard des droits de l’Homme, à l’intérieur de la Chine comme dans les relations avec le monde hors des frontières. Au fil des décennies, le régime chinois a presque atteint la longévité de l’Union soviétique. Mais alors que celle-ci était observée, critiquée, redoutée jusqu’à l’heure de sa dissolution, le système chinois bénéficie d’une étrange bienveillance. Il sait parler aux dictatures et aux milieux d’affaires et en même temps, se drape dans une culture millénaire, dont il se dit l’héritier. Et nombre de capitales acceptent cette image, sans trop y croire peut-être mais en tout cas sans protester. Soit, mais il faut continuer de dire les faits, ne serait-ce que par respect pour les innombrables démocrates chinois qui souffrent dans leur pays ou qui ont dû le quitter. Peu importe qu’ils vivent sur de lointains fuseaux horaires : la souffrance politique, elle aussi, est mondialisée.

Cinq ans ont passé depuis les dernières élections locales chinoises et l’on a recommencé cet automne le simulacre d’un scrutin libre. Le peuple est supposé désigner ses représentants à l’échelon local (article 34 de la Constitution : Tous les citoyens de la République populaire de Chine ayant 18 ans révolus ont le droit d’élire et d’être élus…article  35 : Les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté d’expression, de la presse, de réunion, d’association, de défiler et de manifestation.). Les élus choisiront ensuite ceux de la circonscription située à l’échelon supérieur et, de proche en proche, on aboutit à une assemblée nationale « composée de députés élus par les provinces, les régions autonomes, les municipalités relevant directement de l’autorité centrale et les régions administratives spéciales, ainsi que par les forces armées » (art. 59). Cette assemblée vote tous les textes que le Parti lui présente et il n’est pas difficile d’obtenir ce résultat. Il suffit à l’échelon de base d’assurer une écrasante majorité aux candidats du Parti. Comment ? Par les procédés déjà décrits lors des précédents scrutins qui consistent à tout faire pour écarter les candidats indépendants. On leur refuse les formulaires d’inscription, on les renvoie d’une circonscription à une autre ; on « oublie » de les inscrire ; parfois le harcèlement se fait violent car les voyous ne manquent pas s’il s’agit de menacer ou de frapper ; enfin, on peut plus simplement encore placer en détention un candidat non désiré au prétexte qu’il troublerait le scrutin. Les sanctions frappent parfois ceux qui ont apporté un soutien au candidat car chacun doit être recommandé par dix électeurs de sa circonscription. Malgré tout, cette année, 70 indépendants – une petite minorité – sont parvenus à se faire inscrire dans la capitale. Mais inscription ne veut pas dire élection. La situation est pire encore aux échelons supérieurs. Donner à la dictature du parti des allures de démocratie, c’est, autrement dit, faire prendre des vessies pour des lanternes. Les Chinois ont pour cette tromperie une expression peu ragoûtante : Accrocher une tête de mouton mais en réalité vendre de la viande de chien.

Outre les élections locales, le mois est marqué par l’adoption le 7 de la loi sur la sécurité de l’Internet, qui doit entrer en vigueur le premier juin 2017. Elle concerne non seulement les nationaux mais encore les entreprises étrangères, priées de coopérer pour protéger la sécurité nationale. Elles devront vérifier l’identité des utilisateurs de leur site et apporter un soutien technique et une aide aux autorités lorsque celles-ci mènent des enquêtes. La Chambre de Commerce de l’Union européenne en Chine s’est seulement dite préoccupée par les réactions négatives que la loi pourrait susciter dans les milieux d’affaires. Les entreprises devront stocker les informations sur des serveurs chinois et donner leur code de cryptage. Ce qui revient, d’une certaine manière à transformer les réseaux existant en Chine en un intranet,  le plus grand intranet du monde. Ainsi la logique de contrôle et de prise en main de la société chinoise déborde forcément vers l’extérieur et s’y exprime sans souffrir de contestation.

Les turbulences de Hongkong ont amené l’Assemblée nationale chinoise à interpréter la loi fondamentale qui sert de Constitution à l’ancien territoire britannique et à y dire le droit. En l’occurrence, le droit de décider de la possibilité d’invalider plusieurs élus du dernier Conseil législatif, au motif que leur prestation de serment était inconvenante. Deux jeunes élus ont perdu leur siège et un troisième devrait être évincé. Mais il est question désormais d’étendre la liste pour assurer dans l’ensemble des élus une majorité favorable au gouvernement central. Celui-ci, qui dispose déjà d’une majorité dans la moitié non élue du Conseil, disposera alors d’une grande marge de manœuvre dans l’ensemble du Conseil législatif. Ce faisant, le pouvoir central ou ses représentants à Hongkong obtiennent à court terme une victoire facile. Mais il est évident que la population, en particulier les jeunes, ne peuvent que s’en irriter et se porter de plus en plus vers les tendances autonomistes. Les difficultés s’annoncent ainsi pour le long terme. Autrement dit, comme l’écrivait un éditorialiste du territoire, Beijing a gagné une bataille mais n’a pas gagné la guerre. Il faut reconnaître que pour l’instant tout va bien pour la Chine, si l’on oublie ses difficultés économiques pour ne regarder que ses relations internationales. Au nom d’une non-ingérence dans ses affaires intérieures, le Parti a obtenu qu’on le laisse faire chez lui ce qu’il veut, y compris les plus flagrantes violations des droits de l’individu, telles que s’en prendre aux familles des condamnés, frapper de manière évidente les détenus ou les contraindre avant tout jugement à des aveux télévisés forcés.

Depuis le 28 octobre et son élection pour trois ans au Conseil de l’ONU pour les droits de l’Homme, la Chine a pu montrer son mépris de ces derniers et la désinvolture avec laquelle elle a oublié l’engagement de « promouvoir et de protéger les droits de l’Homme » qu’elle avait pris lorsqu’elle s’était portée candidate.  Selon l’étude du C.H.R.D. , sur les 236 recommandations des États faites à la Chine lors de l’Examen périodique universel de 2013 et concernant les droits de l’Homme, seules trois ont été appliquées ; 43 le furent en partie et 190, pas du tout. La Chine devait rédiger un rapport à mi-parcours sur la mise en œuvre des recommandations ; elle n’a pas pris cette peine. L’on n’ose rien dire, ou rien dire ouvertement, ce qui revient au même. La Chine est protégée par sa taille. De même que certaines banques sont trop grandes pour faire faillite malgré leur bilan désastreux (too big to fail), de même la Chine, bien installée aux Nations unies est trop grosse, son marché est trop grand pour qu’on ose lui dire ses quatre vérités : à savoir qu’elle viole sa constitution et ses engagements internationaux, que le parti a trop souvent pris l’habitude sur le plan local de s’appuyer sur des voyous pour forcer les décisions, qu’il fait tout pour empêcher l’expression libre du peuple, qu’il s’engage dans une voie dangereuse de confrontation militaire, que ses statistiques n’engagent que ceux qui les croient, etc.

Une exception à cette complaisance générale mérite pourtant d’être relevée. Une commission de l’Organisation internationale du Travail s’est inquiétée ce 9 novembre de la fermeture de centres sociaux ouvriers et de la condamnation de leurs dirigeants. Dans un rapport intérimaire cité par le China Labour Bulletin, la Commission demande que ces militants ouvriers puissent accomplir correctement leur travail. De fait, les attaques contre les O.N.G. supposées rétives et leurs fermetures se sont multipliées ces derniers temps : citons pour mémoire le Centre d’assistance ouvrière de Panyu, le 64 Tianwang de Huang Qi, le Minsheng Guangcha de Liu Feiyue, le cabinet Yirenping, l’Institut pour la transition, le Groupe de défense des handicapés Zhongyixing, Le Centre social ouvrier Nanfeiyan pour les droits du travail, le Centre pour le droit des femmes Weizhiming et le Centre de services et de conseil pour les femmes Zhongze.

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